La sélection naturelle by Sylvie-Catherine De Vailly

Auteur:Sylvie-Catherine De Vailly [Vailly, Sylvie-Catherine De]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature québécoise, Policier
Éditeur: Recto-Verso
Publié: 2014-01-24T23:00:00+00:00

Chapitre 7

Laberge et Nixon se tenaient devant le propriétaire du petit immeuble de la rue de Marseille. Sam – c’est le nom qu’il leur donna – était un homme dans la cinquantaine, au visage luisant et sentant l’ail à plein nez. Il ne sembla pas éprouver la moindre tristesse à l’annonce du décès de sa locataire.

— Une droguée de moins! lâcha-t-il en tendant à l’inspecteur la clef de l’appartement de Manon.

— Vous êtes dur! lui lança Laberge en le regardant avec sévérité.

«Un autre qui se pense plus fin que tout le monde!» pensa-t-elle en jetant un regard à Nixon qui, elle s’en doutait, devait se retenir pour ne pas remettre vertement l’homme à sa place.

— Une toxicomane qui payait tout de même son loyer, dit finalement Nixon avec une légère rudesse dans la voix.

— Ouais… mais une droguée pareil! Le problème avec les drogués, c’est qu’ils finissent toujours par plus le payer, leur loyer… Mais bon, je sais pas comment elle faisait, elle, et je veux pas le savoir, mais elle avait toujours les sous… Bien que j’aie ma petite idée là-dessus.

— Allez-y, nous serions curieux de la connaître, votre petite idée, lui lâcha Laberge, un sourire au coin des lèvres.

Les gens qui avaient des opinions aussi tranchées sur leurs voisins en savaient toujours long sur eux…

Il la regarda, mais ne sembla pas séduit par l’invitation. Il se gratta furieusement le fond de la tête en regardant ses pieds, comme s’il se demandait s’il devait ou non dire à ces flics ce qu’il pensait.

— Ben, je pense qu’elle faisait la pute…

— Voyez-vous ça! Vous l’avez vue ramener des clients chez elle?

— Nan, nan, j’ai jamais vu personne chez elle, à part son copain, et deux trois fois ses parents, je pense, mais je suis pas sûr… Je dis ça parce qu’ils restaient sur le pas de la porte, elle les invitait jamais à rentrer, alors je sais pas trop… peut-être des témoins de Jéhovah!

— Comment pouvez-vous affirmer qu’elle se prostituait, dans ce cas?

L’homme semblait soudain mal à l’aise. Il se gratta encore une fois le crâne et fit un pas à l’extérieur de son appartement en tirant la porte derrière lui, après avoir jeté un coup d’œil pour s’assurer que personne ne se trouvait proche.

— Je vous écoute, l’invita Jeanne sur le ton de la confidence.

— Ben, ça m’arrive des fois, commença-t-il en baissant le ton, pas souvent là, je suis pas un obsédé, d’aller faire un tour sur la Main… pour me changer les idées… vous comprenez?

Les deux policiers le regardaient en attendant la suite.

«Et ça se permet de juger les autres…», se dit Jeanne, tout en se retenant d’exprimer à voix haute ce qu’elle pensait.

L’homme semblait gêné, ce qui amusait Nixon, qui se retenait de rire. Il décida de venir en aide au propriétaire.

— De temps à autre, vous vous payez du bon temps avec l’une des charmantes demoiselles qui fréquentent le coin, c’est ça? Rien de bien méchant, juste une p’tite vite, ça ne fait de mal à personne, hein?

Sam plissa le front, mais opina de la tête. On aurait dit un enfant pris à faire une bêtise.

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